07/02/2025 legrandsoir.info  10min #268222

Le « petit Marco » rêve de donner le joyau de la couronne à Trump

Hernando Calvo Ospina

Il est vrai que quelque chose unit Rubio, Wiles, Waltz et d'autres membres du groupe dirigeant : leur mépris et leur rage contre Cuba, le Venezuela, le Nicaragua et d'autres pays de la région qui s'opposent aux desseins de l'empire. À cet égard, Rubio a été une voix de premier plan et un promoteur de mesures punitives...

Marquito, « Petit Marco », est l'un des termes utilisés par Donald Trump pour se moquer de Marco Rubio lors des primaires républicaines de 2016. Il l'a également qualifié de « risible ».1

Dénigrant les capacités de Rubio comme sénateur, il avait déclaré : « c'est un poids plume que je n'embaucherais même pas pour diriger l'une de mes plus petites entreprises ».2 Rubio avait répondu par d'autres insultes.

Dès les premiers instants de cette première présidence, Trump avait commencé à se comporter comme un propriétaire terrien, avec les Etats-Unis pour ranch. Le monde lui devait obéissance ou alors il le menaçait de toutes sortes de chantages, y compris de l'option de la puissance militaire, qu'il présentait comme s'il s'agissait de son fusil de « cow-boy ». Se rendant compte que Trump pouvait déraciner quiconque se mettait en travers de son chemin, Rubio entreprit donc de lui montrer qu'il voulait être son allié et que les offenses de la campagne appartenaient au passé, en mettant à son service les possibilités internationales qu'il avait en tant que président de la Commission du renseignement et membre de la Commission des relations étrangères, toutes deux au Sénat.

En 2024, lors de la campagne présidentielle, il n'en fallait plus beaucoup pour que Rubio se jette aux pieds du patron et lui prête allégeance. C'est cela, et la possibilité de le manipuler à sa guise, qui a conduit Trump à le nommer à la tête du Département d'État. D'autres étaient bien plus qualifiés et compétents pour le poste, mais ils n'étaient pas malléables.

Pour s'occuper de dossiers de politique étrangère très sensibles, Trump a nommé plusieurs « envoyés spéciaux », qui n'ont pas de comptes à rendre à Rubio, mais uniquement à lui. Parmi eux, Keith Kellogg, un général à la retraite, a été nommé envoyé spécial pour mettre fin à la guerre entre l'Ukraine et l'OTAN d'une part et la Russie d'autre part.

Mauricio Claver-Carone, d'origine cubaine, qui fut démis de ses fonctions de président de la Banque interaméricaine de développement (BID), est envoyé spécial pour l'Amérique latine, avec pour mission de « rétablir l'ordre » dans la région.3

L'autre « Envoyé » que Rubio doit supporter est Richard Grenell, ancien ambassadeur en Allemagne, directeur intérimaire du renseignement national, envoyé spécial dans les négociations de paix entre la Serbie et le Kosovo, postes occupés pendant la première administration Trump. Il a également été pendant huit ans porte-parole des États-Unis au Conseil de sécurité de l'ONU sous l'administration de George W. Bush. Trump a une immense confiance en lui : « Ric travaillera dans certains des endroits les plus troublés du monde, y compris le Venezuela et la Corée du Nord » ; « Ric continuera à se battre pour la paix par la force, et il fera toujours passer les Etats-Unis en premier », a déclaré Trump en le nommant. Et sa première mission a été de négocier diverses questions avec le gouvernement du président vénézuélien Nicolás Maduro. À noter qu'il n'y a pas de relations entre ces pays.4

Rubio a également en face de lui d'autres personnes qui peuvent le contredire ou l'empêcher de prendre des décisions qu'il souhaiterait prendre seul : la stratège Susie Wiles, chef de cabinet, qui a travaillé pour le président Ronald Reagan, première femme à occuper ce poste dans l'histoire des États-Unis, ainsi que le député conservateur Mike Waltz, nommé conseiller à la sécurité nationale, dont l'entreprise de mercenaires a formé des forces spéciales en Afghanistan, et qui a de l'expérience dans les commissions de la sécurité nationale et des relations internationales. Ces deux derniers sont également originaires de Floride, comme Rubio.

Tous, ainsi que d'autres moins connus, travailleront à la formulation et aux décisions de Trump en matière de politique étrangère. Selon semble-t-il le dessein du président, Rubio ne doit pas participer à toutes les discussions et décisions de haute politique internationale, mais seulement à leur exécution.

Et le fait est que face à ce groupe principal du pouvoir réel à Washington, le chef de la diplomatie porte un stigmate qui ne joue pas en sa faveur dans une administration raciste et xénophobe : quels que soient ses efforts, Rubio n'a pas cessé d'être latino. Le « petit Marco » n'est pas d'origine européenne, et il n'est même pas millionnaire. Il n'appartient pas au « suprématisme blanc ».

Mais il est vrai que ce qui unit Rubio, Wiles, Waltz et d'autres membres du groupe dirigeant est leur mépris et leur rage à l'égard de Cuba, du Venezuela, du Nicaragua et d'autres pays de la région qui s'opposent aux desseins de l'empire. À cet égard, Rubio a été une voix de premier plan et un promoteur des mesures punitives.

Face au principal problème apparent de cette administration, les migrants, Rubio a trouvé une issue. Le 2 février, il a effectué sa première tournée en tant que chef du département d'État. Deux jours plus tard, il a démontré son ignorance, réelle ou volontaire, de la réalité historique du continent. Il a déclaré à San José, capitale du Costa Rica : « À mon avis, les trois régimes qui existent au Nicaragua, au Venezuela et à Cuba sont des ennemis de l'humanité et ils ont créé une crise migratoire. Sans ces trois régimes, il n'y aurait pas de crise migratoire dans l'hémisphère. Ils l'ont créée parce que leurs systèmes ne fonctionnent pas ».5

Rubio n'a pas appris, et s'en moque, que ceux qui tentent de rejoindre les États-Unis visent, sans le savoir, à obtenir par leur travail quelques miettes de ce que Washington vole à l'Amérique latine et aux Caraïbes depuis le XIXe siècle. La pauvreté de centaines de millions de personnes est due à la rapacité des États-Unis, en collaboration avec les oligarchies nationales. C'est la cause principale des migrations. Il ignore, semble-t-il, que faire cesser ces « crises migratoires » est très simple : laisser les peuples vivre de leurs propres richesses. Si les États-Unis ont besoin d'eux, qu'ils les paient à leur juste valeur.

L'autre élément qui a généré des crises migratoires sont les blocus économiques que Washington a imposé à Cuba et au Venezuela, principalement, et qui empêchent leur développement normal, en cherchant à mettre ces peuples à genoux et à les vaincre par la faim.

Il est vrai qu'il est impossible pour Rubio et sa bande de comprendre qu'il n'y a qu'un seul ennemi pour toute l'humanité, car ils en font partie : le système des États-Unis d'Amérique du Nord.

Depuis la fin du siècle dernier, lorsque Marco Rubio a eu besoin des voix de Miami pour ses ambitions électorales, il a utilisé le discours « anti-castriste », en dénonçant le « régime » et la « dictature » à Cuba. Ses parrains de la Fondation nationale cubano-américaine et du clan Bush le lui ont dit, et c'est ce qu'il a fait. La Révolution cubaine est alors devenue pour lui un médicament pour vivre. Mais ensuite sont arrivés Hugo Chávez au Venezuela, Ortega au Nicaragua, Lula au Brésil, Correa en Équateur, Kirchner en Argentine, Evo en Bolivie.... Le « risible » a parlé plus fort et les intérêts du pouvoir à Washington ont réalisé qu'il existait.

Cuba reste son obsession et un moyen d'accumuler des votes et de l'argent, ce qui a presque été réduit à néant lorsque le président Barack Obama et le dirigeant cubain Raúl Castro ont annoncé le rapprochement entre les deux nations, le 17 décembre 2014. Depuis 1961, Washington avait rompu ses relations avec l'île révolutionnaire. Une petite mais importante partie du blocus imposé à Cuba a ainsi été levée.

Lorsque Trump est arrivé à la Maison Blanche en janvier 2017, il avait déjà sur son bureau une pile de décrets à signer. Les premiers, déjà annoncés par lui, faisaient faire marche arrière aux avancées d'Obama avec Cuba : ils portaient la marque de Marco Rubio et de son groupe de Cubano-étasuniens extrémistes de Floride.

L'administration Trump, via Marco Rubio, a édicté alors des mesures économiques et politiques qu'aucun autre président étasunien n'avait jamais osé prendre contre Cuba : près de 300. Celles-ci allaient non seulement à l'encontre de la santé et de l'alimentation du peuple cubain, mais aussi à l'encontre des règles du commerce international, en punissant triplement ceux qui feraient du commerce avec Cuba. L'Europe, comme presque toujours, bien que touchée, a préféré garder le silence ou soutenir Washington. La perfide méchanceté de ce gouvernement, sous l'impulsion de Rubio et d'autres sénateurs cubano-étasuniens est allée jusqu'à refuser à Cuba la possibilité d'acquérir de l'oxygène et d'autres produits nécessaires pour combattre le Covid-19. Non content de cela, il a placé Cuba sur la liste des pays soutenant le terrorisme international, ce qui a stoppé toute possibilité de relations commerciales avec le monde, à commencer par l'achat d'aliments, de médicaments et de pétrole.6

Joe Biden est arrivé ensuite à la présidence. Il n'a rien changé face à cette cascade de lois exécutives édictées contre Cuba par Trump. Six jours seulement avant de remettre le gouvernement dans les mains de Trump, il en a levé certaines, dont le retrait de Cuba de la liste des pays soutenant le terrorisme. Mais de nouveau, en janvier 2025, Trump a signé les lois exécutives, rédigées par Rubio, qui ont annulé le peu fait par Biden.

En novembre 2024, à peine nommé par Trump à la tête de la diplomatie étasunienne, Rubio avait déclaré avec orgueil : « Au cours des dix dernières années, aucun sénateur n'a fait plus de dégâts au régime cubain que ce que nous avons fait, moi et Mario Díaz Balart [un autre sénateur de Floride d'origine cubaine]. Lorsque Trump était président, tout ce qu'il a fait contre ce régime, qui ont été les mesures les plus fortes que nous ayons vues de la part d'un président, était un plan conçu directement par nous, assis à la Maison Blanche. »

Le malade mental Marco Rubio, dans son empressement à donner à Trump ce joyau que 13 présidents américains de Dwight D. Eisenhower à Joe Biden (et on ne sait combien de secrétaires d'État) ont désiré, est déterminé à faire tout ce qu'il faut pour faire capituler les révolutionnaires cubains, par la faim et la maladie.

Ses références à Cuba dans tous les médias, mais surtout aux États-Unis, sont pleines de rhétorique loquace, mais toujours truffées d'inexactitudes et de mensonges. Et qui s'en soucie, puisqu'il s'agit de Cuba ? Même si c'est toujours le même discours. Par exemple, en 2019, lorsque Miguel Díaz-Canel a été élu président de Cuba, après avoir remplacé Raúl Castro, Rubio a déclaré qu'il était le « visage d'un régime oppressif qui viole les droits de l'homme et sape l'ordre démocratique dans notre région ».

Après la deuxième réélection de Díaz-Canel, en 2023, qu'il a qualifiée d'illégitime, Rubio a dit que l'île était soumise à une « tyrannie marxiste criminelle ». Des mots, toujours des mots, répétés et répétés depuis 60 ans, mais qui sont toujours repris par les mêmes médias.

Interrogé sur son intention de se rendre à La Havane pour d'éventuelles négociations, Marco Rubio a déclaré à Fox News qu'il ne s'y rendrait que pour discuter de « la date de départ » des dirigeants de la Révolution.7

En réponse, le chef de la diplomatie cubaine, Bruno Rodríguez Parrilla, a déclaré dans un communiqué : « Il en restera pour ses frais. Il ne pourra pas connaître Cuba, un pays qu'il ne connaît absolument pas. »8

Une chose est sûre : avec les mesures économiques contre Cuba, le Venezuela et le Nicaragua voulues par l'administration Trump, ainsi que les pressions déjà exercées sur d'autres pays d'Amérique latine et des Caraïbes pour accroître le néolibéralisme économique, la pauvreté augmentera considérablement. Ainsi, les objectifs d'arrêt de la migration vers les États-Unis ne seront qu'un rêve d'ignorants : les pauvres doivent aller chercher le lieu où la nourriture semble se trouver...

Hernando Calvo OSPINA

NOTES :

1.  elpais.com
2.

Marco Rubio is a total lightweight who I wouldn’t hire to run one of my smaller companies - a highly overrated politician!

3.  elpais.com
4.  cnnespanol.cnn.com
5.  swissinfo.ch
6.  cnnespanol.cnn.com
7.  elpais.com
8.  swissinfo.ch

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